Je ressens moins de danger à saisir l’intimité des animaux sauvages qu’à vivre parmi les hommes
Interview de Laurent Baheux, photographe animalier.
– Vous éprouvez moins de danger à être auprès des animaux sauvages et des hommes… Pourquoi ?
La question de la sécurité est récurrente quand on parle de séjour en milieu sauvage. Pourtant, il suffit simplement de respecter les animaux, leur tranquillité et leur liberté. Il faut toujours avoir à l’esprit que l’on entre dans leur territoire et que nous sommes en quelque sorte seulement des “invités”. À partir de là, tout se passe bien. Les règles des animaux sont simples et claires, ce qui n’est pas toujours le cas chez les hommes dont le niveau d’agressivité ne cesse d’augmenter.
– Comment devient-on photographe animalier ?
Je n’étais pas particulièrement prédestiné à devenir photographe. J’ai suivi un cursus généraliste sans trop savoir quelle voie suivre jusqu’à mon entrée en faculté. C’est à cette période que j’ai commencé à piger pour le quotidien régional Centre Presse à Poitiers car le métier de journaliste sportif me séduisait. Je suivais alors l’actualité sportive régionale et rédigeais le compte-rendu des matchs. J’ai touché mon premier appareil photo quand la rédaction a souhaité que j’illustre mes sujets. Mon parcours a rapidement évolué : j’ai délaissé le texte au profit de l’image, quitté ma région d’origine pour Paris, intégré une agence photo nationale et suivi les principales compétitions internationales pendant près de 15 ans. La photographie animalière est venue bien plus tard, en réaction à un mode de vie urbain auquel je devenais allergique. À un moment, j’ai commencé à saturer. La foule des stades, son agressivité, les exigences continuelles des rédactions, le calendrier qui ne s’arrête jamais… J’ai eu envie de dire stop, de me poser et de me connecter à des choses simples et essentielles. J’ai alors choisi de partir en Afrique pour voir cette faune sauvage qui me faisait tant rêver quand j’étais enfant. Je n’ai pas été déçu. Tout était beau, simple, paisible et authentique. Voir évoluer la grande faune dans son environnement naturel a été un véritable choc. Mes vies personnelles et professionnelles en ont été bouleversées. Mon virage a pris du temps car c’est seulement en 2007 que j’ai monté ma première exposition grâce à un ami qui a insisté pour que je montre mes images. Le regard des gens sur mon approche m’a convaincu que je devais continuer. Cela fait plusieurs années maintenant que je me consacre exclusivement à la photographie de nature et animalière.
– Quelles qualités sont essentielles ?
La plus grande qualité est certainement la patience car on n’imagine difficilement le temps qu’il faut pour réunir toutes les composantes qui feront une bonne image et notamment la simple présence de l’animal. Ensuite je dirai qu’il faut de la persévérance car le parcours de photographe est long et jalonné d’embûches.
– Pourriez-vous nous raconter un ou plusieurs souvenirs merveilleux ?
J’éprouve toujours beaucoup d’intensité à rencontrer les animaux dans leur milieu naturel mais le lion est probablement l’animal qui me fascine le plus, avec l’éléphant. Il y a d’abord des éléments esthétiques : le lion est un très bel animal, massif et bien proportionné, souple et agile, avec une crinière qui lui couronne le visage et lui donne une majesté et une prestance que n’a aucun autre mammifère. Ensuite, il possède une force qui transparaît magnifiquement en photographie. J’aime chercher à ressentir et, à travers mes clichés, à montrer un peu de son caractère, sa personnalité.
Le lion répond très bien à l’argument qui dit que chaque sujet est unique ; aucun lion ne se ressemble et aucune image d’un même lion n’est pareille. On peut passer des heures avec un même individu et n’avoir jamais la même photo. Le lion offre des possibilités infinies : c’est un régal pour un photographe et des souvenirs merveilleux pour la vie.
– Quel message souhaiteriez-vous transmettre à nos lecteurs par rapport au monde sauvage ?
J’ai le souhait de préserver le spectacle d’une nature primitive et de militer à la défense des animaux auxquels je veux rendre hommage en magnifiant leur âme et leur individualité. Comme nous, les animaux ont des émotions et des sentiments. Comme nous, ils ont une vie sociale avec des devoirs et des responsabilités. Comme nous, ils ont une famille avec des enfants. Ce n’est pas parce que nos morphologies et nos modes de communication sont différents que les animaux sont des sous espèces. Nous vivons sur la même planète et faisons partie d’un tout. Pour moi, nous sommes une seule et grande famille : celle du vivant et en ce sens, nous devons absolument les protéger et a minima, les respecter. J’aimerais que mon travail réveille notre perception des bêtes et les place dans notre univers personnel parmi nos instantanés de vie et nos albums de famille. Je veux être une voix pour ceux qui n’en ont pas, un porte parole (en images) de la cause animale.
Pour en savoir plus sur Laurent Baheux et découvrir ses photos, consultez son site internet : http://www.laurentbaheux.com